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Conrad Veidt, un acteur hanté, de Berlin à Hollywood
Conrad Veidt, un acteur hanté, de Berlin à Hollywood
Conrad Veidt, un acteur hanté, de Berlin à Hollywood

Conrad Veidt, un acteur hanté, de Berlin à Hollywood

Jérôme Seydoux-Pathé Foundation
mar. 21 janv. 2025 - mar. 25 févr. 2025
Dès 3 €

Description

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé rend hommage à Conrad Veidt, acteur emblématique du cinéma muet allemand, depuis ses débuts dans les années 1910 jusqu'au parlant.

Yeux immenses, corps désarticulé, gestes au ralenti : avec son rôle de Cesare, l’hypnotisé meurtrier, dans Le Cabinet du Dr Caligari (1920), Conrad Veidt est devenu l’emblème de l’imaginaire cauchemardesque qui déferle alors sur le cinéma allemand, et que Lotte H. Eisner devait appeler l’Ecran démoniaque. Avec ce rôle et quelques autres tout aussi novateurs de la « procession des tyrans », Veidt devenait du même coup, à 27 ans, l’une des stars du cinéma européen si pauvre en visages, en corps expressifs, en jeunesse.

Même s’il a connu brièvement l’enseignement du grand créateur de théâtre Max Reinhardt, c’est le cinéma qui a formé Conrad Veidt en tant que comédien. À la fin de la guerre, lors de l’effondrement du pays, l’industrie du film est ouverte aux improvisations, aux expériences. Veidt est happé par le suractif Richard Oswald. Producteur-réalisateur boulimique, celui-ci emploie à la chaîne une troupe de comédiens talentueux et désargentés, pour quelques dollars quotidiens échappant à l’inflation, dans des sujets brûlants ou polémiques qui fascinent le public : prostitution, homosexualité, avortement, maladies vénériennes… En quatre ans (1918-1921), Veidt est distribué dans dix-sept de ses films. Avec le grand F.W. Murnau, il en interprète cinq, dont un seul hélas est conservé (L’Entrée dans la nuit, 1921).

Jeune premier à la beauté magnétique et ambiguë, il est une image des incertitudes et des aveuglements de la société allemande à l’âge de sa première république, avec l’inflation, la libération sexuelle, la violence politique… La fêlure apparaît dans des doubles rôles : L’Etudiant de Prague (version conte fantastique, Henrik Galeen 1926) ou Les Frères Schellenberg (version drame bourgeois, Karl Grune, 1926), avant qu’il devienne une vedette internationale.

À la différence de ses amis Emil Jannings ou Werner Krauss, Veidt maintient une frontière stricte entre son image à l’écran et sa vie privée. Ses amis se souviennent d’un camarade sociable, à l’humour typiquement berlinois, dont la distraction préférée était le golf. Pourtant, ce fils de fonctionnaire impérial, incarnation du chic de l’entre-deux-guerres, est aussi un homme honnête et un antiraciste, un antinazi résolu. Quand il annonce que son prochain rôle sera celui du Juif Süss dans le roman historique de Lion Feuchtwanger (1925), rôle qu’il convoite depuis 1928, la presse aux ordres du Troisième Reich se déchaîne. Josef Goebbels se vengera du Jew Süss britannique (1934), voulu par Veidt et réalisé par Lothar Mendes, en produisant quelques années après sa propre version du Juif Süss (1940), un des pires films antisémites.

Conrad Veidt ne retournera plus en Allemagne. Naturalisé citoyen britannique, il met ses moyens financiers au service de la lutte contre l’hitlérisme. Les rôles que lui offrent Londres et Hollywood sont pour la plupart, selon les exigences de l’actualité, ceux de nazis, culminant avec son major Strasser dans le légendaire Casablanca de Michael Curtiz (1942). Encore un film après celui-ci et, à cinquante ans, il est frappé par une crise cardiaque pendant une partie de golf.

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