Iván Navarro investit le Grenier-Saint-Lazare avec « Cyclops », une odyssée lumineuse entre mythe, cosmos et pouvoir.
Alors que son ambitieux projet pour le Grand Paris Express, en gestation depuis près d’une décennie, s’apprête à voir le jour en 2026, l’artiste chilien Iván Navarro, renommé pour ses œuvres lumineuses, s’installe pour la première fois dans l’espace de la rue du Grenier-Saint-Lazare. À l’occasion de l’exposition Cyclops, il déploie un ensemble de quatorze sculptures électriques qui transforment l’espace à travers d’hypnotiques jeux d’optique. Oscillant entre phénomènes célestes et réflexion sur les rapports de pouvoir, Navarro offre une intense immersion sensorielle et symbolique.
Point d’orgue de l’exposition, une sculpture monumentale : un cyclope de 3,6 mètres de haut, irradiant sous la verrière de l’espace parisien de ses néons recyclés multicolores. Pour la première fois, Navarro conçoit une œuvre pensée pour dialoguer avec la lumière naturelle. « Le cyclope est une créature fabuleuse, présente dans de nombreuses mythologies », confie l’artiste. « En explorant les phénomènes astraux, j’ai croisé cette figure brute et puissante, capable dans les légendes de faire gronder le tonnerre et jaillir les éclairs. Une véritable allégorie des forces naturelles, qui prolonge mes recherches sur l’énergie et l’invisible. »
L’exposition s’enrichit d’un corpus d’œuvres tournées vers le cosmos, un thème cher à l’artiste, ancré dans son héritage astronomique chilien et qu’il explore avec constance depuis cinq ans. Présentées pour la première fois en Europe, ses sculptures typographiques, en « mots croisés », entremêlent noms de constellations ou planètes. Les compositions murales, assemblées ou gravées dans le miroir, semblent suspendues entre poésie scientifique et abstraction lumineuse. Dans Lepton II et Zodiac Constellations, des milliers de points colorés ou de silhouettes stellaires sont gravés à la surface de miroirs sans tain, offrant un vertigineux jeu de reflets infinis. L’installation Sun Traffic met en scène des feux de signalisation affichant silencieusement le mot « sun », dans une pièce obscure. À la fois fascinantes et dérangeantes, ces cartographies imaginaires interrogent les frontières de l’astronomie, les schémas mentaux et l’anthropocentrisme.
La deuxième partie de l’exposition prend une tournure plus politique. Dans la nouvelle série Shell Shocks, des éclats de feux d’artifice gravés sur des miroirs en forme de diamant évoquent les traumatismes de l’après-guerre et entrent en résonance avec les préoccupations récurrentes de Navarro concernant la domination, le contrôle et l’emprisonnement, thèmes marqués par son expérience sous la dictature de Pinochet. Cette dimension est prolongée par plusieurs Eyes Charts, d’imposants tirages reprenant le format des tests oculaires, dans lesquels apparaissent des mots tels que « opress », « revolt », ou « rebel », échos directs aux soulèvements populaires qui ont secoué Santiago entre 2018 et 2020.
Enfin, l’exposition s’achève au sous-sol sur une section dédiée à son intervention artistique pour la station Villejuif – Gustave Roussy du Grand Paris Express, dont l’inauguration est prévue à l’été 2026. Maquettes, croquis et prototypes retracent près de dix ans de réflexion, en collaboration étroite avec l’architecte Dominique Perrault. Une plongée dans l’envers du décor, où art et urbanisme se rencontrent pour repenser et réenchanter l’espace public parisien incluant des œuvres telles que The Milky Way, Lepton II, Waves and Polka.
08:00- 17:00