Opéra, marche funèbre, nuit, ensemble, pas, cinétique, cercle, catwalk, éclat, pose, rythmique, stories, saut, siamoises sont ici autant de mots-perles d’un cadavre exquis qui donnent chair à la danse, par vagues enveloppantes de mouvements d’ensemble.
Lauréate 2019 des Swiss Dance Awards en tant que « danseuse exceptionnelle », Marie-Caroline Hominal, d’abord interprète pour La Ribot, Gisèle Vienne ou Marco Berrettini, développe depuis 2008 un univers chorégraphique pensé comme un espace de transition, ouvrant des brèches inexplorées entre fiction et réalité, corps et esprit, tragique et comique.
Dans cette nouvelle création pour dix interprètes en danse et trois en musique, corps de ballet, soli, duos, quatuors, parades et défilés se jouent dans un kaléidoscope d’éclats de danse. Jaillissant de part et d’autre d’un studio de cinéma imaginaire, les scénettes s’enchaînent en un jeu d’apparition-disparition entre des cloisons décorées de trompe-l’œil. Lorsque du frénétique labyrinthe d’actions éclot doucement une remarquable image de plateau, les danses changent alors d’énergie et de tempo, distillant une tout autre atmosphère, un délectable decrescendo touchant du doigt l’état du rêve.
Cette pièce chorégraphique pour dix danseuses et danseurs et trois musiciennes et musicien forme avec les deux premières occurrences du projet Numéro 0 une suite, pour l’heure un triptyque, sans qu’une logique narrative ne rattache ces trois « scènes ». On remarquera, cependant, la présence de quelques éléments de scénographie, apparus notamment dans Scène I, qui relient implicitement la nouvelle création aux précédentes. Leur variété même traduit l’esprit de recherche de Marie-Caroline Hominal, son exigence d’exploration de nouvelles écritures chorégraphiques, sa volonté de considérer d’autres moyens de travailler la danse, quittant le plateau pour y revenir, ou sondant la manière dont la vidéo peut s’inscrire dans l’art du mouvement, de l’espace et de la temporalité.
Numéro 0 / scène III se déroule en deux temps, deux moments qui frayent avec la répétition sans, toutefois, en être le miroir exact. Mais surtout, ces deux actes placent les spectateurs dans des dispositions scéniques qui leur font voir la pièce d’une toute autre manière. Tout d’abord, installé directement sur le plateau, entourant les performeur·ses, sans que rien ne le sépare de la scène, le public est quasi inclus dans le flux des mouvements, tout en devant renoncer à une vue globale de ce qui se passe. Chaque regard est appelé à s’arrêter sur un instantané selon qu’il se dirige vers l’un ou l’autre côté de l’espace. Inversement, la seconde partie du spectacle se déroulant devant le public classiquement assis sur les gradins face à la scène, la vision d’ensemble domine la multiplicité des micro-événements.
Très chorégraphiée, Scène III est une suite d’events qui ne déroule aucun fil narratif et, alliée à la trame sonore créée par les percussionnistes et la guitariste, met l’accent sur le flux et le reflux, l’énergie et l’apaisement. Éclatées sur l’ensemble du plateau, simultanément, des petites scènes surviennent, courtes, rapides qui forment une dynamique de figures qui s’échappent et dont le rythme gagne, virtuellement, les spectateurs. Soli, duos, quatuors, portés, sauts, gestes furtifs, tournoiements, corps de ballet, pas esquissés, parade, interventions vocales s’entremêlent ou se succèdent sans hiérarchie pour se rejoindre dans une chorégraphie d’ensemble. Les danseuses et danseurs interagissent tout en laissant la place à la performance individuelle et au surgissement de surprises où chaque micro-événement peut raconter une histoire libre de toute interprétation. Les corps sont portés par la puissance du son énergisant qui graduellement se tranquillise et laisse les mouvements s’apaiser, s’établir dans une lenteur rêveuse et contemplative.
18:30- 19:30